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« La banalisation de la vie des prêtres, une des causes des abus ? ». Père Julien Dumont, La Croix le 04.11.2021

tribune
Père Julien Dumont
Prêtre du diocèse d'Orléans
La commission Sauvé a jeté un pavé dans la mare en identifiant dans la sacralisation du prêtre un de ressorts des abus. Pour le père Julien Dumont, la « banalisation de la vie des prêtres » expliquerait davantage que ces violences aient pu être commises.

Père Julien Dumont, le 04/11/2021 à 09:50
Lecture en 4 min.
« La banalisation de la vie des prêtres, une des causes des abus ? »
Le père Julien Dumont se pose la question de la cause des abus sexuels dans l’Eglise.

Tout est lié disait le pape François dans son encyclique Laudato Si. L’écologie humaine et l’écologie environnementale sont indissociables. Tout est lié devant les affres de la pédocriminalité dans l’Église. Après le temps du recueillement devant tant de vies blessées, il est temps de nous interroger sur les causes d’une telle tragédie.

Tout est lié. La crise de l’Église sur les questions des abus sexuels a été admirablement analysée par le pape émérite Benoît XVI dans une lettre de février 2019 en réponse à une demande du pape François sur la crise de l’Église dans le monde occidental au début de ce XXIe siècle.

Le rapport Sauvé montre que les actes de pédocriminalité auraient pour ressort la « sacralisation de la personne du prêtre », une distance qui lui aurait permis une proximité perverse. Je suis surpris par cette analyse qui n’est pas du tout l’expérience large que je peux avoir dans mon diocèse ou ailleurs. J’ai vu l’inverse : une banalisation de la vie des prêtres. On nous a appris à être comme tout le monde pour être proche du monde. Toute tentative de distinction était proscrite jusqu’à l’habit ecclésiastique.

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D’autre part, je suis suffisamment jeune pour ne pas avoir subi la déliquescence des séminaires français des années 1970 mais suffisamment vieux pour avoir connu la nullité voire la nocivité de certains cours de théologie dite fondamentale et de théologie morale qu’on nous prodiguait au séminaire ; une morale liquide sans fondement biblique et théologique sérieux associée à une ambiance délétère qui voyait dans toute piété ou demande de prière d’adoration eucharistique de quoi interroger le candidat sur ses motivations réelles voire le retarder à l’ordination.

Une liturgie défigurée
Ma conviction comme prêtre observateur et acteur de la vie de l’Église depuis 25 ans est que la cause et le lieu de facilitation de tant de perversité fut la banalisation de la vie du prêtre. La liturgie abîmée voire défigurée de ces années troubles voulait montrer une proximité des fidèles entre eux et avec tous les hommes ; proximité qui s’est parfois traduite en promiscuité malheureuse.

L’habit ecclésiastique tant honni autrefois rend visible cette élection du prêtre par le Christ et le met à part sans le séparer du monde ; le Concile Vatican II le dit dans une belle formule : « Par leur vocation et leur ordination, les prêtres de la Nouvelle Alliance sont, d’une certaine manière, mis à part au sein du Peuple de Dieu ; mais ce n’est pas pour être séparés de ce peuple, ni d’aucun homme quel qu’il soit ; c’est pour être totalement consacrés à l’œuvre à laquelle le Seigneur les appelle » (Presbyterorum Ordinis n° 3).

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Le célibat en est le signe visible pour le monde sécularisé et le rappel constant pour les prêtres eux-mêmes. Aimer tout homme quelles que soient sa condition et la profondeur de son péché c’est accepter de n’aimer personne de manière exclusive. Pastores dabo vobis de Jean-Paul II le souligne avec force : « le Synode, convaincu que la chasteté parfaite dans le célibat sacerdotal est un charisme, rappelle aux prêtres qu’elle constitue un don inestimable de Dieu à l’Église et représente une valeur prophétique pour le monde actuel » n° 29. Les pédocriminels se sont servis des atours ecclésiastiques pour mettre en œuvrent leur plan démoniaque. Ce n’est pas l’ordination qui fait le pervers mais la perversité qui prend le costume de l’homme ordonné.

Je m’interroge sur certaines préconisations du rapport Sauvé aujourd’hui significatives de l’effondrement il y a quelques années de toute discipline ecclésiastique pourtant protectrice et du prêtre et des fidèles. De ce point de vue notamment on peut souligner la réhabilitation du confessionnal (recommandation 45). Il fallait autrefois abattre les murs ; faire tomber les barrières qui séparaient les hommes… Aujourd’hui on découvre la lune et la sagesse des anciens qui voyaient dans ces limites non pas des murs mais des protections, une prudence que les années orgueilleuses de l’après Concile ont balayée d’un revers de mains.

Un synode sur la synodalité risqué
En outre, à la lecture du rapport je perçois un risque dans la perspective du synode sur la synodalité ouvert par le pape François. Le risque est de dissocier pour le pasteur propre d’une communauté, le pouvoir d’ordre et le pouvoir de gouvernement, d’amputer le prêtre d’une de ces trois munera (charges): celle de gouvernement. Le rapport le souligne dans la recommandation 34 qui fait sortir, par ailleurs, ce même rapport de son champ de compétence initiale.

Le décret presbyterorum ordinis du Concile Vatican II souligne bien la triple fonction sacerdotale du prêtre : ministre de la Parole de Dieu, ministre de la liturgie et guide et pasteur du peuple de Dieu. Dans la célébration des sacrements et dans l’Église, les prêtres agissent in persona Christi capitis, en la personne du Christ Tête de son Eglise : « Pour exercer ce ministère, comme pour les autres fonctions du prêtre, ils reçoivent un pouvoir spirituel, qui leur est donné pour l’édification de l’Église (P.O. n°6).

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Le rapport Sauvé voit dans le pouvoir de gouvernement que le prêtre reçoit à l’ordination et par les offices qu’il remplit une nécessaire domination. L’Évangile nous montre que l’exercice du véritable pouvoir ne va pas sans autorité c’est-à-dire la volonté de faire grandir celui dont on a la charge. Mais l’autorité ne va pas non plus sans le pouvoir qui lui est associé. La tradition catholique depuis les Pères de l’Église a montré que celui qui présidait à l’Eucharistie était celui qui présidait à la communauté afin de la faire croître au nom du Seigneur Jésus. Le pouvoir se mue en service.

Dans mon diocèse les prêtres mis en cause depuis 1950 représentent 2,4 % des prêtres ordonnés ; le problème n’est donc pas celui de la théologie du prêtre à réformer mais il s’agit, dans un esprit de continuité avec les anciens, d’appliquer et d’enseigner convenablement la théologie du Concile Vatican II si belle sur les pasteurs de l’Église.