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Rapport Sauvé sur les abus sexuels : cinq questions qui résistent, Christophe Henning, La Croix le 10.10.2021

Explication Après les chiffres chocs annoncés sur les victimes d’abus sexuels, le rapport Sauvé nécessite une lecture approfondie tant à propos de la réparation que de la situation des victimes. La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) donne des éléments de réponse dans son épais rapport et ses nombreuses annexes.
Christophe Henning, le 10/10/2021 à 19:17

Lecture en 4 min.
Rapport Sauvé sur les abus sexuels : cinq questions qui résistent
La Ciase a aussi reçu des témoignages de personnes victimes d’agressions alors qu’elles étaient adultes, très souvent dans le cadre de la vie religieuse : « Les violences sexuelles subies par des religieuses sont un phénomène resté peu étudié »

Comment ne pas comprendre le sursaut d’incrédulité qui a pu surgir lors de la présentation du rapport implacable de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) ? Le danger serait d’en rester aux seuls chiffres annoncés. Mieux comprendre la situation des victimes pourra permettre de mettre en œuvre les démarches nécessaires pour reconnaître les victimes et prévenir les abus.

► La concordance des chiffres
D’aucuns ont remarqué la tension entre un nombre de victimes terriblement élevé (environ 216 000) et le nombre de prêtres ou religieux agresseurs (entre 2 900 et 3 200 sur 115 000 depuis 1950). La raison est la suivante : ce deuxième chiffre a été obtenu à partir de l’appel à témoignages de la Ciase (2019-2020) et de recherches dans les archives diocésaines et judiciaires. Or toutes les agressions ne sont pas connues de l’Église, ni n’ont donné lieu à l’ouverture d’un dossier.

→ ANALYSE Abus sexuels dans l’Église : ce qu’il faut retenir du rapport Sauvé

Ce chiffre d’environ 3 000 prêtres ou religieux agresseurs est donc un « plancher », précise la Ciase. Autrement dit, ce n’est pas l’estimation du nombre de victimes qui est exagérée, mais le nombre d’abuseurs qui est probablement sous-évalué.

► L’indemnisation, avec quel argent ?
« L’indemnisation est incontournable, souligne la commission, ce qui ne veut pas dire qu’elle
doit obligatoirement être demandée par chaque victime, puisque le principe même heurte certaines d’entre elles. En pratique, l’indemnisation peut ouvrir des perspectives nouvelles aux personnes victimes », souligne le rapport (page 410 et suivantes).

Pour la commission, « il est indispensable que l’indemnisation procède d’un mécanisme d’attribution indépendant, loin d’une simple démarche de « geste », de « secours » ou de libéralité consentie par l’Église catholique elle-même, à travers laquelle elle risquerait de se maintenir au-dessus des victimes ».

La commission reconnaît qu’il y a là une lourde charge, avec « des conséquences financières importantes pour l’Église (…). Ainsi les montants globaux attribués aux victimes sont-ils déjà élevés dans certains pays : 4,6 millions d’euros de 2012 à 2017 en Belgique ; 10,3 millions de 2011 à 2020 en Allemagne ; 27,8 millions de 2011 à 2018 aux Pays Bas. »

→ DEBAT. Abus sexuels : les catholiques doivent-ils contribuer à l’indemnisation des victimes ?

L’Église devra trouver les moyens nécessaires, quoiqu’il en coûte : « Le financement des indemnités de réparation des préjudices subis doit naturellement être mis à la charge des agresseurs et de l’institution ecclésiale. Les difficultés relatives à la solvabilité des institutions de l’Église en France ne sauraient limiter, par principe, l’indemnisation des personnes victimes. »

Conscients de ce défi, les évêques de France avaient décidé lors de leur dernière Assemblée plénière de printemps de la création d’un fonds de dotation auquel pouvaient abonder les fidèles, ce que la commission déplore : « L’appel aux dons des fidèles apparaît difficilement conciliable avec une démarche réparatrice d’indemnisation. Les fidèles risquent de ne pas comprendre pour quelles raisons ils devraient contribuer à la réparation de crimes et de délits dont ils se sentent aussi, pour beaucoup, indirectement victimes. »

► Les victimes, majoritairement des garçons
Si les jeunes filles ne sont pas épargnées par le phénomène, les violences sexuelles sur mineurs commises dans l’Église touchent très majoritairement les garçons, au contraire des agressions sexuelles perpétrées dans le cercle familial. « Les garçons représentent 80 % des personnes ayant subi (…) une violence sexuelle de la part d’un membre du clergé, recense la commission. Néanmoins, la proportion des victimes filles semble augmenter avec le temps : elles sont près de 60 % sur la période qui court depuis 2010. »

→ CHRONIQUE.Violences sexuelles, le pape sous le choc du « rapport français »

Pourquoi les garçons de 10-13 ans étaient-ils plus agressés ? « Cette prédominance peut s’expliquer par un « effet d’opportunité » lié à un accès plus grand des clercs aux garçons par
rapport aux filles, en particulier aux garçons préadolescents au sein d’institutions non mixtes pendant une large partie de la période (…). Chez des clercs, l’élaboration du désir sexuel se serait justement figée à cet âge de la vie, où ils ont souvent connu leur premier désir vocationnel. Enfin, il est possible que cette circonstance traduise un effet d’idéalisation de l’enfance et de rejet à l’égard des femmes. » (page 151 et suivantes)

► Les adultes aussi victimes
La Ciase a aussi reçu des témoignages de personnes victimes d’agressions alors qu’elles étaient adultes, très souvent dans le cadre de la vie religieuse : « Les violences sexuelles subies par des religieuses sont un phénomène resté peu étudié, tant par l’Église ou les médias que par la recherche scientifique, jusqu’à l’avènement récent du mouvement « #MeToo ». Quant aux violences sexuelles commises par des clercs ou des religieux sur des personnes majeures autres que des religieuses, elles sont totalement absentes des débats publics à l’heure actuelle », souligne la commission. Toutefois, 151 personnes majeures au moment des faits se sont manifestées (page 151 et suivantes).

→ TRIBUNE Abus sexuels : « Le prêtre n’est pas le centre du monde ! »

« À chaque fois, les actes ont été commis dans le cadre d’une relation spirituelle, l’agresseur étant le père spirituel, le prêtre confesseur, le responsable ou fondateur de la communauté, ou
encore un frère avec un ascendant hiérarchique, constate la commission. »

► Une question qui reste actuelle
« L’évolution des violences sexuelles au cours des 30 dernières années se traduit par
une hausse apparente de 0,2 % à 0,4 % », prévient la commission (page 129). « Il semble que le dévoilement plus systématique des violences sexuelles à partir de ces années explique pour partie la hausse observée du nombre de victimes. Des dénonciations plus nombreuses et plus systématiques des violences sexuelles entraînent le dévoilement plus rapide des pratiques abusives de prêtres et la prise de sanctions à leur encontre », souligne le rapport, avant de s’inquiéter : « Ce constat doit être immédiatement nuancé car, en raison de l’important délai nécessaire à la libération de la parole, il est probable que des personnes victimes dans les années les plus récentes n’ont pas encore parlé. »