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Mgr Éric de Moulins-Beaufort : « Notre engagement contre les abus est durable et déterminé ». Bruno Bouvet et Christophe Henning, La Croix le 27.03.2021

Entretien Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Conférence des évêques de France, explique à « La Croix » le sens des résolutions prises par l’assemblée des évêques pour lutter contre la pédophilie. Pour lui, l’écoute des victimes, décisive dans la prise de conscience de l’Église, doit rester la priorité.
Recueilli par Bruno Bouvet et Christophe Henning, le 27/03/2021 à 10:23 Modifié le 28/03/2021 à 18:06

Lecture en 5 min.
Mgr Éric de Moulins-Beaufort : « Notre engagement contre les abus est durable et déterminé »
Pour Mgr de Moulins-Beaufort, « ce qui rendra l’Église comme une maison plus sûre, c’est d’abord une meilleure compréhension par le plus grand nombre de ce qu’est une relation éducative ».

La Croix : Au terme de leur Assemblée plénière de printemps, et après de deux ans de travail, les évêques de France ont adopté, vendredi 26 mars, des mesures importantes, sous forme de « résolutions », contre la pédophilie. Est-ce une forme d’aboutissement ?

Mgr Éric de Moulins-Beaufort : Avec ces onze résolutions, nous franchissons une étape. Il y aura d’autres seuils encore, mais nous sommes clairement engagés.

Ces mesures vont-elles faire de l’Église une « maison plus sûre » ?

Mgr E. M.-B. : J’espère qu’elles y contribueront, parce qu’elles marquent un engagement durable et déterminé. J’attends avec une certaine impatience l’effet que va provoquer dans les communautés la Lettre aux catholiques écrite à cette occasion. Il n’est pas si fréquent d’ailleurs que l’ensemble des évêques signent un même texte.

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Ce qui fera de l’Église une maison plus sûre, c’est d’abord une meilleure compréhension par le plus grand nombre de ce qu’est une relation éducative, ce qu’elle ne doit pas être et ce qu’il ne faut pas y laisser entrer. Parler de ce sujet est d’autant plus nécessaire que la violence sur les mineurs est aujourd’hui un drame dans tous les secteurs de la société. Nous devons aider à ce que de tels actes, qui abîment des vies, ne perdurent pas. C’est l’affaire de l’Église tout entière.

Qu’est-ce qui a présidé à vos décisions ?

Mgr E. M.-B. : Ce qui a conduit notre travail, c’est la volonté de comprendre ce qui s’était passé en écoutant les personnes victimes. Aujourd’hui, je pense profondément aux premières personnes que j’ai rencontrées. C’est d’abord cette écoute qui permet de mesurer la gravité des actes subis et de ne pas la banaliser. Aussi voulons-nous continuer à écouter et accompagner les personnes victimes. Elles venaient chercher auprès de prêtres la lumière du Christ et elles ont trouvé une œuvre de mort. Nous ne pouvons pas réparer ce qui est irréparable, mais nous devons leur proposer notre aide et contribuer modestement à leur chemin d’apaisement.

Il a fallu une longue période de convergence pour arriver à ces résolutions. Qu’est-ce qui a fait obstacle ?

Mgr E. M.-B. : Les évêques n’avaient pas tous la même expérience. Certains diocèses étaient confrontés à de nombreux cas quand d’autres n’en connaissent pas. Après un travail d’information et de sensibilisation, je suis heureux de voir combien les évêques sont aujourd’hui tous engagés dans la nécessité d’agir et de prendre la parole des victimes au sérieux. L’assemblée extraordinaire tenue fin février a été très utile pour définir les différents champs de responsabilité.

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N’y a-t-il pas eu quand même des résistances ?

Mgr E. M.-B. : Il y a des personnes coupables de ces actes, il y a eu des responsables qui ont pris de mauvaises décisions, mais personne n’est coupable de ce qu’il n’a pas commis. En revanche, nous pouvons reconnaître une responsabilité pastorale à l’égard des personnes victimes. Certains de nos prédécesseurs pensaient comme tout le monde que les enfants oubliaient. Aujourd’hui, nous savons que le traumatisme s’inscrit profondément dans leur psychologie. Il faut impérativement expliquer le mécanisme de l’amnésie post-traumatique qui conduit à des révélations tardives.

Quel sera le rôle du « conseil pour la prévention et la lutte contre la pédophilie » que vous créez ?

Mgr E. M.-B. : La pédophilie n’est pas un mal dont nous nous débarrasserons d’un coup : ce doit être l’objet d’une attention constante. Le conseil doit nous aider à appliquer les mesures prises et à les compléter au long du temps. Il travaillera avec le conseil permanent, rendra compte à l’Assemblée plénière et aura pour mission notamment d’organiser des formations pour de nouveaux évêques.

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Abus sexuels dans l’Église : les victimes estiment avoir été entendues
Il sera présidé dans un premier temps par Mgr Luc Crepy, puisqu’il émane de la Cellule permanente de protection et de lutte contre la pédophilie (CPPLP) dont celui-ci a la charge. Il y aura un service joint au conseil pour l’organisation de formations, l’animation de référents dans chaque diocèse et dans chaque conseil et service national s’occupant des jeunes. Enfin, il y aura toujours un service d’écoute des victimes.

Pour celles-ci, vous avez décidé d’une contribution financière, que vous ne souhaitez pas appeler indemnisation…

Mgr E. M.-B. : C’est la justice qui fixe des indemnisations. Ce que nous devons aux personnes victimes, c’est contribuer à leur chemin d’apaisement. Nous avions imaginé un dispositif fixe qui n’a pas été bien perçu. Du dialogue avec les personnes victimes, nous avons compris qu’elles attendaient deux choses : il faut que la contribution soit personnalisée et qu’une instance indépendante gère les dossiers. Soit la victime pourra préciser ses besoins, par exemple en prise en charge psychologique et l’instance déterminera le montant, soit la personne préférera un forfait.

Pourquoi le montant n’est-il pas encore fixé ?

Mgr E. M.-B. : Parce qu’il faut que nous en discutions avec l’instance indépendante. Ce montant dépendra de l’ampleur du fonds dont nous disposerons et du nombre de demandes dont nous n’avons aujourd’hui pas idée…

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La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), présidée par Jean-Marc Sauvé, parle de 3 000 victimes, pour une enveloppe que vous chiffrez à 5 millions d’euros, soit 1 500 € par personne…

Mgr E. M.-B. : La Ciase accepte une projection à 10 000 victimes, alors que 3 500 personnes se sont manifestées auprès d’elle. De notre côté, dans les diocèses, nous avons enregistré un millier de personnes.

Qui doit participer à ce fonds ?

Mgr E. M.-B. : Ce sera d’abord nous, les évêques, sur nos ressources personnelles, et nous appelons tous ceux qui voudront bien prendre soin des personnes victimes. Nous espérons un grand élan de solidarité et de fraternité. En tout cas, les dons des fidèles resteront employés pour ce pour quoi ils ont été donnés. Le denier de l’Église, par exemple, ne servira pas à alimenter ce fonds.

Parmi les résolutions, figure un tribunal canonique national. Pourquoi ?

Mgr E. M.-B. : Beaucoup de personnes souffrent de la lenteur des procédures canoniques car les officialités sont souvent submergées. De plus, il est parfois difficile pour certaines victimes de témoigner devant des juges qui, issus du même diocèse, peuvent être liés aux prêtres qu’elles accusent. Il est bon de concentrer dans cette instance des compétences et une expertise.

→ ENTRETIEN « Poursuivre l’effort dans la lutte contre les abus en réfléchissant au fonctionnement de l’Église »

La Conférence des religieuses et religieux (Corref) n’a pas été associée à vos décisions. Y aura-t-il deux régimes selon que les victimes ont été abusées par un prêtre diocésain ou par un religieux ?

Mgr E. M.-B. : Beaucoup de personnes se tournent vers les évêques car c’est à eux qu’ils identifient l’Église. Le monde religieux étant plus divers, il a besoin de plus de temps pour préparer ses décisions. La responsabilité d’un évêque dont l’un des prêtres commet des abus n’est pas tout à fait la même que celle d’un supérieur d’une congrégation par rapport à un religieux. Toutefois, notre but commun est d’aider les démarches des victimes en leur évitant d’avoir à frapper à trop de portes différentes.