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Les curés doivent-ils déménager tous les six ans ? Christophe Henning, La Croix le 26.08.2020

Enquête Alors que le Vatican a réaffirmé la nécessité de nommer les prêtres pour une durée indéterminée, il est d’usage en France de les changer de paroisses tous les six ans. « La Croix » a voulu interroger des prêtres sur ce qu’ils pensaient de cette disposition, parfois remise en cause par le nouveau contexte ecclésial.
Christophe Henning, le 26/08/2020 à 10:55
Lecture en 5 min.
Les curés doivent-ils déménager tous les six ans ?

      Septembre, c’est aussi la rentrée pour les communautés paroissiales. Pour certaines, le début d’année pastorale sera marqué par l’arrivée d’un nouveau curé : dans la plupart des diocèses, le mercato presbytéral a été annoncé avant les vacances. Des mouvements qui sont toujours des événements pour les paroissiens et pour les prêtres eux-mêmes.

Difficile, en période d’épidémie Covid, d’organiser les nominations, qui seront parfois repoussées de quelques mois. L’occasion de réfléchir au sens de ces mouvements, alors même que les prêtres sont, dans la plupart des diocèses, plus âgés, moins nombreux… Déplacer un prêtre d’une paroisse à l’autre, c’est provoquer des mutations en chaîne avec une équation difficile : vu les effectifs, c’est un peu un jeu de chaises musicales inversé dans lequel il y aurait plus de chaises que de participants…

La conversion pastorale
Depuis Vatican II, l’Église de France encourageait une certaine mobilité, instituant le principe d’un mandat de six années, éventuellement prorogé deux fois de trois ans. Une règle en perte de vitesse. Tout d’abord parce que, d’un diocèse à l’autre, les effectifs s’affaiblissent. D’autre part, le prêtre a besoin de plus de temps pour connaître les vastes paroisses aujourd’hui dessinées.

La récente instruction du 29 juin intitulée « La conversion pastorale de la communauté paroissiale au service de la mission évangélisatrice de l’Église » vient rappeler la règle du « jeu ». Dans ce texte, la Congrégation pour le clergé encourage cette aspiration à durer : « Comme l’affirme le concile Vatican II, “dans sa paroisse chaque curé doit jouir, en son office, de la stabilité que requiert le bien des âmes”. Comme principe général, il est donc demandé que le curé soit “nommé à temps indéterminé”. » Un mandat sur un temps donné reste possible à condition de ne pas établir « un temps trop bref ». Minimum 5 ans, précise la congrégation romaine qui accepte que l’évêque puisse déplacer le prêtre « si le bien des âmes ou la nécessité ou l’utilité de l’Église le requièrent ».

L’exception française
« Comment faire passer la réforme de Vatican II jusqu’à la plus petite paroisse ? De retour de Rome après le concile, les évêques français s’inquiétaient de la puissance des curés souvent inamovibles. D’où le recours à des mandats à durée déterminée, disposition prévue par Rome et voulue par l’épiscopat français », explique le père Nicolas de Brémond d’Ars, prêtre et sociologue. Longtemps appliquée, cette spécificité française a perdu du terrain. D’un diocèse à l’autre, la mention d’un délai n’est plus systématique. « D’ailleurs, qui peut être envoyé pour aimer une communauté paroissiale sur la foi d’un CDD ?, questionne le père Paul-Antoine Drouin, vicaire général du diocèse du Mans (Sarthe). Servir le peuple de Dieu s’inscrit dans la durée. Au bout de six ans, quand le prêtre et les fidèles connaissent leurs défauts respectifs, c’est alors que commence le combat pour arriver à s’aimer. »

Le fruit d’un échange
Après quatre ou cinq nominations successives, le père André-Benoît Drappier, 59 ans, apprécie quant à lui, une durée déterminée : « Au bout d’un certain temps, je ressentais une usure, explique ce prêtre du diocèse de Cambrai. Mais comme il y avait les échéances à six, neuf ou douze ans, je savais que je pouvais changer et je faisais savoir au diocèse que j’étais disponible. » C’est à chaque fois avec un nouveau dynamisme qu’il est allé à la rencontre des communautés qui lui étaient confiées, parfois même à sa demande : « La dernière fois, j’ai formulé quatre propositions, l’une d’elles a été retenue par l’évêque. »

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Une volonté de dialogue que confirme Mgr Bruno Feillet, évêque auxiliaire de Reims : « Il y a toujours un échange avec le prêtre concerné. » Dans le diocèse de Reims, la règle des 6 + 2x3 n’est pas inscrite dans le marbre, mais elle est souvent pratiquée, permettant de mettre en œuvre une organisation à moyen terme, voire de proposer une formation, une année de ressourcement. Mais l’évêque auxiliaire reconnaît qu’il y a aussi un principe de réalité qui conduit parfois à accélérer des changements, pour répondre à un besoin urgent… Sans compter la remise à plat et les nombreuses nominations liées la nouvelle organisation du diocèse depuis le 1er janvier : « Plutôt que de rester dans le carcan géographique, nous avons créé des espaces missionnaires, lieux de dynamique pour tous », confie Mgr Feillet. Ce qui a entraîné quelques déménagements.

Au service de la paroisse
Dans le texte romain, le cardinal Benianimo Stella, préfet de la congrégation pour le clergé, précise encore « qu’il est nécessaire que le curé puisse créer un lien effectif et efficace avec la communauté qui lui est confiée ». Un blanc-seing pour les curés en place, avec toutefois un rappel : « C’est le curé qui est au service de la paroisse, non le contraire. » Même si les paroissiens ne sont guère consultés pour le choix de leur pasteur. La communauté étant diverse, il y a, à chaque changement, des satisfaits et des mécontents. « Le prêtre n’est pas la paroisse. Il cherche à s’inscrire dans ce qui existe, confie le père Drappier. Et c’est par petites touches qu’on apporte du changement, en respectant l’héritage et les acteurs de la paroisse. »

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« Quand on arrive dans une paroisse, il faut un temps d’adaptation, explique le père Jean-Eudes Fresneau, nommé curé de Sarzeau, dans le diocèse de Vannes, en mai dernier. Il faut connaître ses paroissiens avant de lancer les projets pastoraux. » Des événements peuvent parfois redistribuer les cartes : curé à Lorient depuis deux ans, il a accepté de laisser son poste pour permettre la création d’une fraternité de plusieurs prêtres.

Durer dans la mission
« Nous ne sommes pas envoyés à un territoire mais à des communautés », précise encore l’un d’eux, responsable d’une cinquantaine de clochers. Faire des dizaines de kilomètres pour célébrer devant une poignée de paroissiens est difficile. Faut-il prendre acte d’îlots de désert liturgique ? Les évêques français n’y consentent pas encore, mais tenir le maillage territorial devient acrobatique. « On veut faire de tous les prêtres des curés, pour répondre aux besoins polymorphes des paroisses, souligne le père de Brémond d’Ars. Tout le monde n’en a pas la vocation ni la compétence. La pression est forte et peut générer de vraies souffrances. »

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Les nominations obéissaient encore parfois à un système de « promotion » non dit, même si chacun sait qu’il n’y a pas d’esprit de carrière dans la vocation sacerdotale. Passer d’une petite paroisse à une charge plus importante, un vicaire devenant curé : le délai de six ans assurait un certain turn-over. Vu la pyramide des âges, l’avancement est devenu plus difficile. Et la fatigue se fait sentir : « Aujourd’hui, les prêtres de 60 ou 65 ans demandent plutôt des paroisses moins lourdes », confie le père Drouin.

Durer dans la mission et rejoindre les communautés : difficile de choisir entre le pape François invitant les prêtres à être « des pasteurs pénétrés de l’odeur de leurs brebis » et l’image de saint Paul qui passait de communauté en communauté.

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Les règles en vigueur
Stabilité. « Dans sa paroisse chaque curé doit jouir, en son office, de la stabilité que requiert le bien des âmes », précise le décret sur la charge pastorale des évêques dans l’Église Christus Dominus, 28 octobre 1965.

Durée déterminée. « L’évêque diocésain peut toutefois nommer des curés pour un temps déterminé. Du fait qu’il est nécessaire que le curé puisse créer un lien effectif et efficace avec la communauté qui lui est confiée, il convient que les Conférences épiscopales n’établissent pas un temps trop bref, inférieur à 5 ans, pour les nominations à temps déterminé », précise l’instruction de la Congrégation pour le clergé du 29 juin 2020.

Disponibilité. « Dans tous les cas, même s’ils sont nommés pour un “temps indéterminé” ou avant que le “temps déterminé” n’arrive à échéance, les curés doivent se montrer disponibles pour d’éventuels transferts dans une autre paroisse ou office, « si le bien des âmes ou la nécessité ou l’utilité de l’Église le requièrent » (Christus Dominus).

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Pas de durée déterminée pour les évêques
Nommés par le pape, les évêques le sont pour une durée indéterminée. Ils sont toutefois susceptibles d’être nommés à la tête d’un autre diocèse, souvent plus important en termes de population. Ces mouvements d’un diocèse à l’autre pourront s’amplifier, les derniers évêques ordonnés en France étant relativement jeunes et donc en mesure d’assurer plus de vingt ans d’épiscopat, jusqu’à 75 ans, l’âge de la retraite. Ils restent d’ailleurs « évêques émérites » de leur dernier diocèse en charge.

Si les mouvements sont fréquents au bout de six à dix ans dans un diocèse, plusieurs évêques français occupent leur fonction depuis quinze à vingt ans. Les mêmes exceptions, moins fréquentes que par le passé, s’observent aussi à l’échelle mondiale.