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Père Bogdan LESKO, curé. ANNONCES DU 6 au 15 DÉCEMBRE 2024(Historique de l'agenda) |
Une lecture de l’Évangile pour comprendre le temps présent, selon les enseignements du Pape François, dans la lignée du Concile Vatican II : nous sommes dans le temps de la miséricorde, même si l’homme d’aujourd’hui, comme l’affirmait saint Jean-Paul II, semble s’opposer à cette parole.
Sergio Centofanti
Cette année marque le 20e anniversaire de sainte Faustine Kowalska, apôtre de la Divine Miséricorde, et le 40e anniversaire de l’encyclique Dives in misericordia de saint Jean-Paul II. Le Pape polonais avait parcouru prophétiquement la route de la miséricorde, « en suivant la doctrine du Concile Vatican II » et poussé par l’exigence de « découvrir dans le Christ encore une fois le visage du Père, qui est miséricordieux et Dieu de toute consolation (…). C'est pour cela qu'il convient maintenant de nous tourner vers ce mystère: les multiples expériences de l'Église et de l'homme contemporain nous y invitent, tout comme l'exigent les aspirations de tant de cœurs humains, leurs souffrances et leurs espérances, leurs angoisses et leurs attentes.»
Saint Jean-Paul II, dans cette encyclique, lançait «un vibrant appel» pour que l’Église fasse connaître toujours plus la miséricorde de Dieu dont l’homme et le monde contemporain ont tellement besoin. Et ils en ont besoin même si souvent ils ne le savent pas. «Plus peut-être que celle de l'homme d'autrefois, la mentalité contemporaine semble s'opposer au Dieu de miséricorde, et elle tend à éliminer de la vie et à ôter du cœur humain la notion même de miséricorde. Le mot et l'idée de miséricorde semblent mettre mal à l'aise l'homme qui, grâce à un développement scientifique et technique inconnu jusqu'ici, est devenu maître de la terre qu'il a soumise et dominée», constatait le Pape polonais dans ce texte publié au début de son pontificat, et présentant donc la structure de sa pensée.
François, dans le sillage du Concile Vatican II et de ses prédécesseurs, affirme avec force que nous sommes dans le temps de la miséricorde. (Lettre apostolique Misericordia et misera, 2016). Une annonce proclamée avec passion qui remplit de joie les cœurs de nombreuses personnes, mais qui ne manque pas de susciter en certains, même à l’intérieur de l’Église, des doutes et des perplexités, voire une franche hostilité. Certains préfèreraient une justice qui accuse et condamne, alors que la justice de Dieu, au contraire, sauve.
Pour Benoît XVI, «la miséricorde est en réalité le noyau central du message évangélique, c’est le nom même de Dieu, le visage avec lequel Il s’est révélé dans l’ancienne Alliance et pleinement en Jésus-Christ, incarnation de l’amour créateur et rédempteur.» (Regina Caeli du 30 mars 2008). Les évangélistes nous disent que les premiers à critiquer Jésus étaient les scribes et les pharisiens, qui ne supportaient pas que le Seigneur se comporte d’une façon miséricordieuse avec les pécheurs, même ceux qui avaient la plus mauvaise réputation, et soit particulièrement dur avec eux, qui se considéraient comme justes, vrais observants et défenseurs de la Loi transmise par les pères, qui parlait pourtant déjà d’un «Dieu miséricordieux». Mais ils ne voyaient qu’un Dieu justicier, punissant les pécheurs, et accusaient Jésus de transgresser la Loi, de blasphémer et même d’être un démon. Leur colère est compréhensible : ils croyaient être justes, et ils se sentaient critiqués avec âpreté. Ils croyaient défendre Dieu et Dieu les corrigeait avec des paroles dures.
Les paroles les plus dures sont les sept malédictions adressées par Jésus aux scribes et aux pharisiens, qui apparaissent dans cet extrait du chapitre 23 de l’Évangile selon saint Matthieu. «Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous fermez à clé le royaume des Cieux devant les hommes ; vous-mêmes, en effet, n’y entrez pas, et vous ne laissez pas entrer ceux qui veulent entrer ! Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous parcourez la mer et la terre pour faire un seul converti, et quand c’est arrivé, vous faites de lui un homme voué à la géhenne, deux fois pire que vous ! » (…)Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous payez la dîme sur la menthe, le fenouil et le cumin, mais vous avez négligé ce qui est le plus important dans la Loi : la justice, la miséricorde et la fidélité. Voilà ce qu’il fallait pratiquer sans négliger le reste. Guides aveugles ! Vous filtrez le moucheron, et vous avalez le chameau ! Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous purifiez l’extérieur de la coupe et de l’assiette, mais l’intérieur est rempli de cupidité et d’intempérance ! (…) Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis à la chaux : à l’extérieur ils ont une belle apparence, mais l’intérieur est rempli d’ossements et de toutes sortes de choses impures. C’est ainsi que vous, à l’extérieur, pour les gens, vous avez l’apparence d’hommes justes, mais à l’intérieur vous êtes pleins d’hypocrisie et de mal. (…) Serpents, engeance de vipères, comment éviteriez-vous d’être condamnés à la géhenne?»
Quand les scribes et les pharisiens lui demandent pourquoi ses disciples transgressent la tradition des anciens, Jésus répond : «Et vous, pourquoi transgressez-vous le commandement de Dieu au nom de votre tradition ? (…) Ainsi, vous avez annulé la parole de Dieu au nom de votre tradition ! Hypocrites ! Isaïe a bien prophétisé à votre sujet quand il a dit : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte ; les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains.» (Mt 15, 3-9)
Jésus adresse aussi des paroles dures à ceux qui se disent croyants : «Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. Ce jour-là, beaucoup me diront : “Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé, en ton nom que nous avons expulsé les démons, en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ?” Alors je leur déclarerai : “Je ne vous ai jamais connus. Écartez-vous de moi, vous qui commettez le mal !”» (Mt 7, 21-23)
À cette époque, de nombreuses normes religieuses avaient été accumulées, très détaillés, pouvant donner un sentiment de sécurité mais faisant perdre l’essentiel. Jésus, qui était critiqué par les pharisiens parce qu’il mangeait avec les publicains et les pécheurs, disait: «Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Allez apprendre ce que signifie : Je veux la miséricorde, non le sacrifice. En effet, je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs.» (Mt9, 12-13)
Les pharisiens avaient l’habitude de poser des questions-pièges à Jésus pour qu’il réponde oui et non, et le mettre au pied du mur. D’autres fois, ils le mettaient simplement à l’épreuve. À l’un d’eux qui lui demande quel est le plus grand commandement de la loi, Jésus révèle avec clarté que l’essence du christianisme est la charité. «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes.» (Mt 22, 37-40)
Nous savons que nous serons jugés sur l’amour et nous connaissons déjà les demandes pour l’examen du Jugement dernier. Ce sont les œuvres de miséricorde: «Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs: il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche. Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !”» (Mt 25, 31-36)
Notre tentation durable est celle d’enfermer Jésus dans nos schémas, mais Lui va au-delà, comme nous le rappelle la parabole du bon samaritain : un homme considéré comme hérétique qui accomplit un geste de charité, à la différence du prêtre et du lévite qui voient un homme laissé pour mort par des brigands mais n’interviennent pas. Le samaritain, au contraire, a de la compassion, il s’arrête et il prend soin de cet homme.
Le jugement de Dieu est différent de nos jugements. Les paroles de plus grand estime prononcées par Jésus concernent deux personnes éloignées en apparence, qui se rapprochent de Lui non pas pour elles-mêmes mais pour la guérison d’une fille et d’un esclave. Il dit à une Cananéenne : «Femme, grande est ta foi» (Mt 15, 28), et à un centurion : «Amen, je vous le dis, chez personne en Israël je n’ai trouvé une telle foi». (Mt 8, 10). L’amour surmonte toute barrière ou étiquette.
Personne n’aime être qualifié de pharisien. Mais en chacun de nous il y a un “docteur de la loi” qui juge le prochain et se sent meilleur que le publicain de service. Nous avons donc besoin d’être corrigés, parfois même d’une façon forte, pour être secoués dans notre dureté. Jésus nous dit à nous tous : «Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux.» (Mt 5, 20). La justice de Jésus est celle de la miséricorde qui arrive à aimer l’ennemi. La justice de Jésus est le salut.
Le Seigneur de l’Évangile nous invite à lire les signes des temps pour savoir reconnaître quand Il vient (cf Lc 12, 54-59). Avec le dernier Concile, l’Église a continué son chemin dans la compréhension de la vérité de la miséricorde de Dieu. François continue à parcourir ce chemin, comme l’indique saint Jean-Paul II : «En dehors de la miséricorde de Dieu, il n’y a aucune autre source d’espérance pour les êtres humains» (Homélie au Sanctuaire de la Divine Miséricorde à Cracovie, le 17 août 2002).