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L’Église de Pologne cherche un nouveau souffle spirituel, Héloïse de Neuville, La Croix le 18.05.2020
Après la chute du Mur de Berlin, l’immense popularité de l’Église catholique et de Jean-Paul II, dont le centenaire de la naissance est fêté ce 18 mai, ont porté la foi des fidèles polonais. L’Église du pays, désormais confrontée à une baisse de la pratique et à des divergences internes, cherche un nouveau souffle spirituel.
Héloïse de Neuville (à Wroclaw, Pologne), le 18/05/2020 à 06:25 Modifié le 18/05/2020 à 09:03
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L’Église de Pologne cherche un nouveau souffle spirituel
L’Église de Pologne cherche un nouveau souffle spirituel
C’est une petite controverse locale, qui a éclaté il y a déjà quelques années. Mais qui, par la force de l’anecdote, parvient à décrire les défis auxquels est confrontée aujourd’hui l’Église de Pologne. En 2014, est dévoilée en présence de 2 000 fidèles une statue du pape Jean-Paul II, installée devant la cathédrale de Świdnica (sud-ouest du pays). Karol Wojtyla y est sculpté agenouillé, dans le grand âge. Le héros national est à jamais figé comme un homme humble, affaibli. Une partie de l’assistance fait alors entendre son mécontentement. « Les Polonais auraient largement préféré voir leur pape triomphant, à l’image de ce qu’ils veulent pour leur Église », sourit le père Romuald Brudnowski, qui reçoit dans sa paroisse de Kudowa, nichée dans les montagnes marquant la frontière avec la Tchécoslovaquie. « Personnellement, reprend-il, j’ai appelé le concepteur de cette statue pour le remercier, car notre Église a besoin de se mettre aux pieds du Christ. En Pologne, nous ne le sommes pas. Nous nous sommes un peu perdus dans la politique, au détriment du spirituel. »
L’église la plus pratiquante d’Europe
« Une Église triomphante ? ». Dans une Europe sécularisée, le pays fait figure d’extraordinaire exception. 92 % des habitants se déclarent catholiques. La foi s’y transmet dans les familles, où la piété populaire et mariale est profondément ancrée. 37 % de la population se rend chaque dimanche à la messe. Mais les moyennes occultent un gouffre générationnel. Seul un quart des moins de 40 ans se rend à la messe, contre 55 % de leurs aînés. Cet écart est le plus élevé dans le monde. La baisse des vocations sacerdotales est sévère.
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Comme en Europe de l’Ouest, la Toussaint cède du terrain à Halloween. Les croix posées dans l’espace public ne suscitent plus une évidente approbation. Des chiffres, des signaux faibles, qui témoignent de l’occidentalisation vertigineuse de la société. Mais aussi de la transition culturelle et spirituelle que vit cette Église, confrontée au défi du pluralisme et de la modernité, trente ans après la chute du régime communiste.
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Face à ces mutations rapides, l’Église de Pologne cherche le juste ton. Mais souffre de ses ambitions trop temporelles, à en croire nombre des fidèles et de clercs rencontrés par La Croix. « Nous sommes une Église bien trop politique », résume l’archevêque de Łódź, Mgr Grzegorz Rys. Ces dernières années, l’institution a marqué les esprits par une proximité affichée avec le parti conservateur au pouvoir. Les prises de position cinglantes de certains de ses évêques suscitent l’indignation. Comme, quand en août 2019, l’archevêque de Cracovie a qualifié le militantisme LGBT de « peste arc-en-ciel » menaçant « les âmes, les cœurs et les esprits ».
« Un problème de direction depuis la mort de Jean-Paul II »
« Il y a encore trente ans, l’Église était la seule force indépendante de Pologne sur les plans spirituel, académique, culturel, politique pour lutter contre le communisme, explique Mgr Grzegorz Rys. Le problème, c’est que beaucoup d’hommes d’Église pensent que nous devons continuer à occuper tous ces rôles », estime l’archevêque de Lódź. Alors même que les aspirations des fidèles ont elles aussi changé, prévient Mgr Andrzej Siemieniewski : « Ils attendent désormais un contenu plus spirituel et social. Il faut mettre Dieu au premier plan », tranche l’évêque auxiliaire de Wroclaw
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L’époque où l’Église jouissait d’un prestige populaire si grand qu’on y entrait « sans même savoir qui était Dieu » est terminée, confirme le père Mirosław Malinski, directeur de l’aumônerie des étudiants de Wroclaw. « La situation politique expliquait les énormes foules et la vitalité dans les paroisses », confirme le frère dominicain, Maciej Zieba, ordonné en 1987.
Les plus jeunes, nés dans un monde postcommuniste, ont l’impression de vivre une foi plus profonde que leurs parents à leur âge : « Notre expérience spirituelle est totalement différente. Leur adhésion allait de soi, la nôtre, non », témoigne Paula Olszykdu, 23 ans, étudiante catholique à Wroclaw et membre d’un think tank de droite. La jeune femme redoute une « occidentalisation de l’Église de Pologne, une Église relativiste, qui n’ose plus parler du péché et a trop versé dans le monde ». Elle réprouve pourtant la volonté de certains évêques polonais de chercher des « alliances » avec le gouvernement : « Ils se font instrumentaliser », soupire-t-elle. Son diagnostic ? « Nous avons un sérieux problème de direction depuis la mort de Jean-Paul II ».
« Une Église nationale contre une Église universelle »
L’héritage du pape polonais, dont le centenaire de la naissance est célébré ce 18 mai, est omniprésent et suscite une fierté teintée de nostalgie. D’autant que les enseignements du pape François ne sont pas toujours bien reçus dans le pays. « Il est aimé ici, mais pas très bien compris », nuance le père franciscain Bogdan Koczor, curé de la paroisse Sainte-Edwige à Złotoryja. « Il y a un vrai décalage culturel entre François et la Pologne, surtout sur les migrants », explique le religieux qui, ordonné en 1986, se revendique de la « génération Jean-Paul II ».
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« On présente souvent l’Église de Pologne comme étant divisée entre conservateurs et libéraux mais ce n’est pas exact », analyse le Père Malinski. « Pour moi, l’Église polonaise est traversée par un clivage entre ceux qui veulent préserver une Église ancrée dans une identité nationale, car c’est sur ces bases qu’elle est arrivée au faîte de sa puissance, et ceux pour qui l’Église universelle est la priorité », détaille le prêtre, lui-même entré dans l’Église pour lutter contre le communisme.
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« Dans son combat contre la dictature, l’Église faisait de la métapolitique. Elle défendait des valeurs fondamentales de liberté et de dignité. Elle ne s’est jamais mêlée de politique électorale. Une part du clergé a confondu les deux », regrette le frère dominicain et intellectuel Maciej Zieba. Proche de Jean-Paul II, le philosophe appelle de ses vœux une Église nationale renouant avec sa « conscience universelle ». Dans la droite ligne du pape polonais.