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Le confinement est-il évoqué dans l’Ancien Testament ? Mélinée Le Priol, La Croix 31.03.2020
Dans la Bible, lorsque Dieu veut parler à son peuple, il l’emmène au désert ou dans un lieu clos comme l’arche de Noé ou au cénacle à la Pentecôte, la Bible raconte de multiples confinements, préfigurant toujours une sortie, voire une nouvelle naissance.
Le confinement est-il évoqué dans l’Ancien Testament ?
Deux récits bibliques semblent à ce titre emblématiques - même si le terme de confinement, étranger au contexte de l’époque, est sans doute impropre : l’Arche de Noé (Genèse 7) et la nuit de la Pâque (Exode 12). Les Hébreux sont alors invités à rester chez eux, leurs portes marquées du sang d’un agneau, afin d’échapper à la dixième plaie d’Égypte (la mort des premiers-nés).
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Mais contrairement à Noé et les siens, qui échappent au déluge grâce à l’arche où ils se sont réfugiés, les Hébreux ne survivent pas parce qu’ils se sont confinés : c’est le sacrifice de l’agneau pascal qui assure leur protection. « Les Hébreux sont protégés parce qu’ils sont engagés. Le sang de l’agneau qu’ils mettent sur leurs portes est le signe de leur engagement dans l’Alliance, et de leur rupture avec l’idéologie répressive de la religion égyptienne », précise le rabbin massorti Rivon Krygier.
Il s’agit en tout cas de deux confinements ordonnés par Dieu lui-même : il a averti les « justes » de l’imminence d’un danger extérieur dont il convient de se prémunir. Ces confinements sont aussi le prélude à une importante « sortie » : pour les Hébreux, la sortie d’Égypte et de l’esclavage ; pour Noé et les siens, l’avènement d’une humanité nouvelle, débarrassée - au moins temporairement - du péché qui avait provoqué la fureur de Dieu.
Comment comprendre que les « fléaux » bibliques que sont les épidémies soient envoyés par Dieu ?
La figure de Dieu, dans ces deux récits, semble paradoxale : il est à la fois celui qui châtie et celui qui protège. « À l’époque où a été écrit l’Ancien Testament, on interprétait les maladies comme un châtiment divin, dû à une trahison des hommes ou à une relation pervertie aux divinités », explique le théologien protestant Dany Nocquet, de la faculté de théologie de Montpellier. Ces conceptions, très répandues dans tout le Proche-Orient ancien, n’étaient pas propres à Israël.
Pour le rabbin Krygier, il ne faut « surtout pas » appliquer de telles lectures à la situation actuelle. « Méfions-nous des vieux réflexes complotistes qui consistent à chercher des coupables et des boucs émissaires : au Moyen Âge, pendant la peste noire, on accusait les juifs d’empoisonner les puits… » Il rappelle que dès le XIIe siècle, le grand rabbin Maïmonide affirmait que les épidémies frappent indistinctement, sans qu’il soit question de mérite.
Sur cette question du mérite, le Nouveau Testament invite d’ailleurs à rompre avec cette idée somme toute assez archaïque. Avant de guérir un aveugle-né, Jésus répond à ses disciples qui l’interrogent sur le sort de cet homme : « Ni lui, ni ses parents n’ont péché » (Jn 9,3).
L’isolement social est-il lié, dans la Bible, à la préservation de la pureté ?
Selon la Loi juive, avoir la lèpre, par exemple, entraîne une exclusion totale. « Tant qu’il gardera cette tache, il sera vraiment impur. C’est pourquoi il habitera à l’écart, son habitation sera hors du camp » (Lv 13,46). Bien qu’invisible, l’impureté (ici au sens légal, et non moral) est considérée comme hautement contagieuse et nécessite donc des mesures d’éloignement drastiques.
Outre la communauté bien portante, le sanctuaire et le temple, avant tout, doivent être protégés de l’« impureté » des malades, des étrangers, des femmes ayant leurs règles, des personnes ayant touché un cadavre ou mangé du porc.
Dans le Nouveau Testament, Jésus rompt avec cette vision excluante de la pureté, encore chère aux pharisiens des Évangiles. « Dans la lignée des prophètes, Jésus considère que la véritable impureté n’est pas tant légale que morale : ce qui rend impur, ce n’est pas ce qui rentre dans l’homme (comme un aliment) mais ce qui sort de lui (péché, pensées mauvaises, etc.) », souligne le père Pierre de Martin de Viviés, sulpicien et enseignant à la faculté de théologie de Lyon.
En quoi s’isoler permet-il de se rapprocher de Dieu ?
Au début de chaque Carême, les catholiques entendent cette phrase de l’Évangile de Matthieu : « Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret » (Mt 6,6). Loin des hypocrisies et des faux-semblants de la vie publique, le confinement peut aussi rapprocher de Dieu.
Dans la Bible, le désert est un lieu privilégié de rencontre avec Dieu : les quarante ans de marche des Hébreux au désert constituent ainsi une sorte d’« âge d’or » pendant lequel le peuple élu, ne dépendant que de Dieu, est en cœur à cœur avec lui. Le confinement de la vie monastique s’inspire de cette vie au désert.
La Bible fait aussi mention des sièges de villes comme Samarie (2 R 6) ou Jérusalem (2 R 25), qui provoque des famines et même du cannibalisme. « Ces récits visent à montrer que pour tenir dans l’épreuve, il faut avoir confiance en Dieu. Celui-ci reste présent, offrant finalement à Jérusalem une délivrance inattendue », rappelle Dany Nocquet.
Quel rôle joue la peur dans ces confinements ?
S’il est un confinement biblique motivé par la peur, c’est bien celui des disciples après la mort de Jésus : « les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs » (Jn 20,19). Pourtant, Marie Madeleine leur transmet le message de Pâques, puis Jésus (qui devrait être confiné au tombeau !) apparaît au milieu d’eux et leur donne l’Esprit Saint - c’est la Pentecôte.
« Les disciples ne sont pas blâmés pour leur crainte, ni même pour leurs doutes, et leur confinement est respecté », observe le théologien protestant suisse Yvan Bourquin. « Mais Jésus vient les y rejoindre. Ils ne sont plus seuls. » Autrement dit, si l’on ne peut aller à Dieu, c’est lui qui vient à nous, même si nous avons verrouillé nos portes.
« Autrefois peureux, les disciples seront bientôt envoyés au-dehors par l’Esprit Saint, et là ils n’auront plus peur : c’est ce que racontent les Actes des apôtres », note le père Jean-Claude Klotz, prêtre du Prado et curé à Mulhouse (Haut-Rhin), où les effets du Covid-19 se font durement sentir ces temps-ci.
Mélinée Le Priol