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Secte et religion : quelle différence ? Marguerite de Lasa, La Croix le 08.03.2023
Analyse

Si le droit français ne reconnaît aucune définition de la religion, et donc de la secte, la sociologie donne quelques clés d’analyse pour distinguer la « secte » de « l’Église ». Alors que s’ouvrent, jeudi 9 mars, les assises des dérives sectaires, cette distinction n’est plus vraiment opérante.
Marguerite de Lasa, le 08/03/2023 à 14:18
Lecture en 3 min.
Secte et religion : quelle différence ?
Les assises des dérives sectaires s’ouvrent jeudi 9 mars 2023.

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Définir une secte a toujours été un exercice périlleux. À tel point que la commission d’enquête menée par le député Alain Gest en 1995 renonçait à en proposer une définition. De fait, la notion de secte, comme celle de religion, n’existe pas juridiquement. Cette « ignorance » juridique pour le religieux puise son origine de la conception française de la laïcité, tirée de la loi de 1905 selon laquelle : « La république assure la liberté de conscience (et) garantit le libre exercice des cultes » et qu’elle « ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ». S’il ne reconnaît pas la religion, le droit est donc incapable de la distinguer d’une secte.

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La sociologie, en revanche, livre quelques clés d’analyse. Pour les sociologues Max Weber et Ernst Troeltsch, l’Église se caractériserait par son adaptation au monde qui l’entoure, elle qui « vise à rassembler un maximum de fidèles, jusqu’aux extrémités de la terre, ce qui nécessite de leur faire vivre des exigences compatibles avec le monde », développe la sociologue des religions Danièle Hervieu-Léger (1).

Frontière entre « le fonctionnement légitime » et « la zone dangereuse » ?
En revanche, une « secte » se caractériserait, selon ces auteurs, par la pureté de tous ses membres. « Ceux qui en font partie doivent être des virtuoses assumant toutes les exigences évangéliques », développe Danièle Hervieu-Léger, qui souligne que cette conceptualisation a été construite pour décrire les tensions qui ont traversé toute l’histoire du christianisme.

Aujourd’hui cependant, la sociologue relève que le terme de « secte » a revêtu une telle connotation péjorative qu’il devient difficile de l’employer en ce sens. « Pour le public, la “secte” est un groupe dangereux pour la société et ses membres », constate-t-elle, pointant alors l’inopérance de ce terme pour aborder la complexité des situations.

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La commission d’enquête d’Alain Gest souligne aussi la difficulté de tracer la frontière entre « le fonctionnement légitime » et « la zone dangereuse ». Comment, en effet, distinguer « la libre association et le groupe coercitif », « l’engagement et le fanatisme », « le prestige du chef et le culte du gourou », les « recherches d’alternatives et la rupture avec les valeurs de la société » ? À l’époque, la commission s’était pourtant risquée, sans définition objective, à identifier 173 groupes considérés comme des sectes.

Hiérarchie entre différentes croyances ?
Depuis, la Miviludes (2) a pourtant remis en question cette méthode, qui incriminait de fait des groupes en raison de leur contenu doctrinal, et non pas seulement à cause de leurs agissements répréhensibles. Cela revenait à opérer une hiérarchie entre les croyances jugées admissibles – portées par les religions traditionnelles – et les autres. « Tracer une ligne entre ce qui relèverait d’un culte acceptable, comme cela est le cas pour une religion, et d’un autre considéré d’“immoral”, autrement dit une “secte”, pouvait constituer une atteinte à la liberté de conscience indispensable à toute démocratie », juge le rapport 2021 de la Miviludes.

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Aujourd’hui, l’organisme préfère au terme de « secte » celui de « dérives sectaires ». L’organisme les définit comme « la mise en œuvre, par un groupe organisé ou par un individu isolé, quelle que soit sa nature ou son activité, de pressions ou de techniques ayant pour but de créer, de maintenir ou d’exploiter chez une personne un état de sujétion psychologique ou physique, la privant d’une partie de son libre arbitre, avec des conséquences dommageables pour cette personne, son entourage ou pour la société ».

Pour identifier ces dérives sectaires, l’organisme aujourd’hui rattaché au ministère de l’intérieur est attentif à un faisceau d’indices, qui, pris isolément, ne suffisent pas à les caractériser. Ils retiennent ainsi notamment l’emprise mentale, la rupture avec l’environnement, les exigences financières exorbitantes, l’existence d’atteintes à l’intégrité physique et psychique, l’embrigadement des enfants, les troubles à l’ordre public. Le critère déterminant, point commun à toutes les dérives, étant l’emprise mentale. Celle-ci touche aussi bien les mouvements religieux que les domaines de la spiritualité, du bien-être ou de la santé.

(1) Danièle Hervieu-Léger, « “Religions”, “sectes”, “superstitions” : des mots piégés ? », Histoire, monde et culture religieuse, 2013, n° 26.

(2) Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, organisme de l’État français créé en 2002.